La Dédicace
Le
nom de l’auteur
m’était
complètement inconnu : Bernard
JANVIER !…
Ce qui m’avait
incitée à choisir ce livre posé en évidence sur l’étagère
un peu vermoulue de la boutique, c’était
un peu son titre : « Les
couleurs du chemin »
et beaucoup la photo de couverture !
Celle-ci
représentait un étroit sentier dont la courbe allait se perdre dans
la profondeur d’une forêt d’arbres feuillus aux couleurs
printanières : un sentier étroit se faufilant à travers des
buissons en fleurs, plongeant soudain dans un petit ruisseau que
j’imaginais chantant les notes claires du renouveau ! Un
sentier qui invitait à entrer et que j’avais envie de découvrir…
Ce
livre m’interpellait. Il semblait m’attendre et, sans hésiter,
après avoir remis au bouquiniste les 2 € nécessaires, je
l’emportai en le tenant jalousement… C’était un simple livre
de poche, en parfait état si ce n’était la couverture un peu
jaunie ! Je n’avais même pas jugé important de l’ouvrir
pour en découvrir la teneur …
La
journée se terminait, nous étions en hiver et la soirée serait
longue … Je me réjouissais à l’avance de découvrir une
histoire que j’imaginais pleine de rebondissements et de suspense !
Avec
gourmandise je me plongeai dans les premières pages de l’ouvrage
et découvris un récit mêlant les saisons du corps humain avec
celles de la nature. L’écriture était fluide, imagée, parfois
humoristique … Le vocabulaire sonnait juste, les descriptions
coulaient d’un seul jet entraînant couleurs et ombres, ne laissant
au lecteur que ce qu’il fallait de mystère pour le surprendre et
développer son imaginaire … Ce passionné de nature s’était
délecté dans le choix des mots, des métaphores … Il avait trouvé
la musique la plus appropriée pour faire vibrer le texte avec
ardeur… Tout y était : le chant des cascades, le pépiement
des oiseaux, la brise parfumée enflammant les buissons aux fleurs
écloses et la bourrasque qui, soudain, redonnait vivacité à ce
paysage bucolique !
Il
rejoignait complètement mon état d’esprit, mes idées, ma façon
de considérer l’Univers dont nous étions issus … Il était, lui
aussi, un amoureux des saisons, de leurs différences et de la beauté
particulière à chacune d’elles… Il avait su faire le parallèle
entre la naissance du jour et celle du vivant… Il m’entraînait
sur le chemin d’explorations inattendues, de détails surprenants,
de découvertes magiques !
Le
temps n’existait plus et j’allais approfondir un peu plus la
période estivale lorsqu’en tournant la page 203 un petit carton
rose glissa sur mes genoux… Étonnée et curieuse à la fois, je
découvris cette dédicace écrite au stylo noir : « Pour
toi, Christine, en souvenir
de notre enfance paysanne… » Un peu plus bas une
date : 16/02/1994 et une signature : Juliette !…
Quelle coïncidence ! Je me prénommais Christine et en 1994
j'avais 20 ans ! Par contre, aucune Juliette dans mes
connaissances … même très éloignées ! Je délirais… ma
lecture me prenait corps et âme et j’étais à deux doigts de me
sentir concernée !…
Mais
pourquoi ce livre passionnant se retrouvait-il chez un brocanteur
alors qu’il semblait destiné à resserrer les liens d’une amitié
paraissant soudée, ancienne, indéfectible ?
Cette
question me troublait ! Peut-être le roman avait-il été
envoyé par la Poste ? Un colis perdu cela arrive… ou un colis
jamais réclamé, sans adresse d’expéditeur… Peut-être la
« vraie » Christine n’avait-elle jamais su que
cet ouvrage l’attendait quelque part : au fond du placard
impersonnel des PTT ou sur l’étagère poussiéreuse d’un hangar
de livraisons ?…
Je
penchai pour cette explication ! Le livreur s 'était
décidé à l’ouvrir au bout de quelques années et l’avait remis
au brocanteur du coin avec d’autres articles destinés à des
personnes non informées donc non revendicatives…
Il
me semblait avoir éclairci la situation… Ce livre avait été
oublié, ignoré pendant 20 ans, il n’avait jamais été réclamé
et, aujourd’hui, faisait mon bonheur… Une petite voix me
soufflait déjà :
– »
Il t’était destiné… tu le vois bien !… »
Je
ne connaîtrai jamais cette Juliette mais, en mon for intérieur, je
la remerciai pour la justesse de son choix !
C’est
donc avec un certain contentement que je repris la page 203 pour me
plonger dans la suite du roman : Il me semblait que celui-ci
m’appartenait doublement !
Si
je n’étais pas la « Christine » concernée par
la dédicace, je me faisais une joie d’être celle qui découvrait
et appréciait ce cadeau d’une « Juliette »
inconnue, amicale et généreuse…
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