Le chuchotis du renouveau ...

                En étant à l'affût de l'éveil de la nature hier j'ai enfin découvert quelques timides primevères ... alors j'ai laissé mon esprit vagabonder sur la terre engourdie, le ciel encore indécis quant à la couleur de son lavis, le torrent asséché, les feuilles mortes et racornies ... pour vous offrir un texte dans lequel l'espérance s'installe peu à peu en balayant froidure et brouillard ...

       Aquarelle

            Dans le petit jour brumeux une aube pâle jette un regard furtif sur le paysage encore endormi :

-" Tiens, se dit-elle en soulevant son voile, une ondée ... je vais rafraîchir mes couleurs ..."

            Désorientés, le froid retient ses dards glacés tandis que la bise réprime ses hurlements coutumiers ; tous deux geignent, agglutinés sur un versant en pleine débâcle :

-" L'hiver n'est vraiment pas sérieux ... Comment allons-nous résister à cette pluie de midinette ?..."

         Dans ses haillons grisâtres la neige se liquéfie avec amertume :

-" Mon règne a été de courte durée ... on me foule aux pieds après m'avoir glorifiée !..."

      Indécise, contenant son émoi, la Terre engourdie épie le renouveau. Ce temps de disette la laisse épuisée, crevassée, recouverte de dépôts informes. Elle frissonne, envahie par la giboulée que chacun de ses ruisseaux lape avec vigueur. Elle s'attendrit en apercevant, au bord de ses sentiers le frêle tussilage dont la petite tête d'or l'invite à entrer dans la ronde des beaux jours.

tussilage
        Pourtant elle n'ose pas ... Bien qu'elle perçoive le changement elle demeure inerte ; sa faiblesse requiert un secours qui n'arrive pas !... Réfugié dans un courant d'air, un tourbillon sur le déclin bondit en ricanant :

-" Chasse-moi donc si en as la force !..."

            Autour de lui des chuchotements inquiets s'intensifient : la forêt en effervescence tend ses bras amaigris vers un coin de ciel bleu ... Elle suppose ... Elle propose :

-" Essayons de la séduire en accrochant nos bourgeons ... Pour assurer ses premiers pas, masquons de mousse les couloirs bosselés ..."



                La brise intervient :

-" Je peux souffler assez fort pour dégager le sol de ce bourbier !..."

                Impétueux, heureux de retrouver un lit confortable, le torrent dévale la colline pour proposer ses services :

-" Que pensez-vous d'un peu de musique ? En m'appliquant je suis sûr de carillonner !..."

 -" Calme-toi, marmonne un saule mélancolique affligé d'une calvitie désolante , tu affoles les oiseaux en brassant tant de cailloux, essaie d'abord de corriger ta voix !..."

          Notre Terre écoute, enregistre les signes avant-coureurs du branle-bas :

-" Patience, patience ... la mienne est sans limites ..."

                   Soudain, un éclair jaillit, la déchire jusqu'aux entrailles, débusque des rongeurs apeurés, déconcerte d'énormes fourmilières dissimulées sous les feuilles mortes. Une fièvre intense s'abat sur elle lorsque le rayon s'enhardit, prend de l'envergure, s'attarde sur les talus, creuse les vallons, caresse effrontément ses formes généreuses.


               Aussitôt elle s'active, prépare de nouveaux atours, pose sur ses flancs un voile d'espérance ... Rassurés, les buissons s'agitent, déploient un feuillage délicat ; un souffle tiède berce chaque éclosion, anime chaque rameau. 




La forêt reverdit, redevient cathédrale, résonne de trilles ininterrompues, tandis que les nids se blottissent dans les frondaisons. 

         Le décor est planté pour un nouveau départ. Cependant, pour l'offrir au monde, pour charmer les timides, surprendre les indifférents, rendre la joie aux déprimés, il faut l'enrubanner, l'envelopper de rêve :

-" C'est prévu ... Regardez !..."


            Un coup de baguette redresse un bataillon de primevères cramponnées aux talus ; interloquées, à l'orée des bois, de craintives violettes se concertent, émoustillées à l'idée de se faire remarquer ;



 bien campés sur leurs pieds, toutes voiles dehors, les crocus chaperonnent de candides pâquerettes affairées à déplisser leur col. Malgré leur discrétion, les myosotis s'aventurent dans les prairies créant de larges parterres azurés troués çà et là par d'insolents pissenlits.





        L’œuvre s'achève ... Mais le raffinement exhale la beauté !... De délicieuses senteurs se propagent, étreignent les taillis, enivrent l'aubépine, interpellent le muguet, se coulent dans les vergers pour accueillir la gent ailée. Grillons et sauterelles s'égosillent, mêlant leurs cris stridents ; curieuses, les pies jacassent couvrant le sifflement des merles et le chant des moineaux préoccupés par une nouvelle nichée ... Et butinent les abeilles ... Valsent les papillons ... Fusent les hirondelles dans l'immensité lumineuse ...



               Je m'égare, je m'égare ...j'oublie que nous n'en sommes qu'aux prémices ... mais c'est une telle bouffée d'oxygène d'aller vers l’Éveil et la Renaissance  de toutes choses, de déposer ses soucis et ses peurs, d'oublier la morosité ambiante et de se tourner vers la Vie  qui renaît toujours !...
        Allons, je vous retrouverai un peu plus tard pour vous parler des iris et des roses ...

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