L'Etoile et son revers ...
Chez Madame de Faucol l’atmosphère était devenue
irrespirable ! Je m’étais donc réfugiée auprès d’Hector et j’avais décidé
de le suivre dans sa vie de bohème …
Il était d’accord et semblait heureux de partager son
prochain périple avec moi !
Avant de partir il m’avait prévenue :
« - Rien ne prouve que nous puissions vivre au même rythme … Sans doute ne
serons-nous pas toujours du même avis et il faudra t’habituer à m’obéir !
Je déteste les entêtés qui discutent mes décisions … Si cela ne te convient pas
tu pourras toujours retourner d’où tu viens ! Ceci dit, essayons tout de
même de faire un bout de chemin ensemble …
Sa façon de parler m’avait bien un peu surprise
(jusque là il m’avait tellement montré de prévenance et d’attention que j’avoue
avoir été un peu choquée …) mais, à première vue, je n’avais pas
d’objection ! Tout valait mieux que seulement l’idée de retourner vivre
chez Mme de Faucol !
Je n’avais pas de bagages et me confiai entièrement à
lui … Nous prîmes donc la route sans souci, lui me devançant d’un pas rapide,
moi des étoiles plein les yeux, heureuse de ma liberté retrouvée, satisfaite de
suivre le compagnon idéal en laissant derrière moi les contraintes d’une vie
que je jugeais alors complètement asservie aux désirs de Mme de Faucol … Il
serait honnête aussi de noter la fierté que je ressentais en trottinant dans
les pas de ce beau gaillard !...
Soudain je le vis s’arrêter brusquement puis se
tourner vers moi :
« -Eh, Milady, c’est bien joli de traînasser, mais pense un peu moins à te
mirer dans le lac et à faire peur aux insectes … Si tu me perds de vue je ne
réponds plus de ta sécurité … ni de ton prochain repas non plus, d’ailleurs, me
lança-t-il avec une œillade et d’un air sûr de lui !...
Interloquée, j’avoue que je
commençai à lui trouver des façons un peu cavalières et peu galantes qui ne
firent que se confirmer lorsqu’il ajouta :
« - A ce sujet il va falloir que tu t’endurcisses un peu ! Finis les
mets délicats dans de la porcelaine de Limoges !... J’ai l’habitude de repas
moins raffinés mais beaucoup plus sains ! Le bio avant tout ! Bio
tout en restant rustique … Tu verras, tu t’habitueras très vite aux légumes
récoltés en plein champ, aux fruits ramassés sous l’arbre, à la viande
saignante et encore chaude, aux œufs gobés à la sortie du pondoir … Je ne
néglige pas non plus une petite friture pêchée à l’occasion d’un bain dans une
eau fraîche et stimulante … Enfin, tu vois, rien que du bio pour rester en
forme ! »
Malgré moi,
j’avais accéléré le pas et n’en croyais pas mes oreilles … Le bel Hector qui
savait si bien jouer de la prunelle n’était-il donc qu’un rustre sans aucune
délicatesse, sans aucun sens du raffinement ?...
Sa dernière phrase lancée avec une belle assurance me
fit stopper net :
« - Tu sais, tu m’accompagnes … soit ! Mais je n’ai pas l’habitude
de nourrir mes acolytes … bien que je ne dédaigne pas, bien sûr, un peu de
prévenance envers moi qui reste le chef … Donc, chacun pour soi ! Tu
verras, les nuits à la belle étoile sont fantastiques !... »
Trop, c’est trop ! J’étais abasourdie !
Comment ?... Je quittais une maison avec tout le confort, dans laquelle
j’obéissais certes mais, en compensation, je dormais au chaud, je ne manquais
de rien, j’étais même vaccinée et au moindre refroidissement j’avais droit à
mes petites pilules sucrées …
« - Mon
cher Hector, déclarai-je avec l’emphase nécessaire à une bonne et rapide
compréhension de sa part, je crois que cette vie sans attaches et sans
contraintes te convient parfaitement mais, à bien réfléchir, j’ai peur d’être
un poids pour toi !... J’ai peur en effet de ne pas rentrer dans cette
folie de supériorité dont tu te gausses
sans souci des sentiments d’autrui … Alors, adieu et bonne
route !... »
Sans attendre
de réponse et dans un demi-tour que je jugeais parfait et digne d’admiration
(je voulais quand même lui laisser quelques regrets …) je pris mes pattes à mon cou pour refaire le
chemin en sens inverse … Je venais, à temps, de me rendre compte de l’énorme
bêtise évitée et ne pensais plus qu’à rentrer chez moi !...
Car, en fin de compte, chez Mme de Faucol j’étais chez
moi ! … Un bouleversement complet me faisait battre le cœur à l’idée de ne
plus retrouver ma niche proprette avec vue sur cour, ma gamelle toujours
pleine, la compagnie caquetante des habitantes de la basse-cour et même la
laisse en faux cuir dont m’affublait Mme de Faucol lorsqu’elle recevait ses amies
si bien comme il faut !...
Tout bien réfléchi, la vie de bohême, avec ses nuits à
la belle étoile, me semblait maintenant un écueil lointain que j’étais rassurée
d’avoir contourné et c’est donc en aboyant joyeusement que je fonçai au milieu des poules dans mon domaine retrouvé !... Les
étoiles je les vois très bien de chez moi !...
D’ailleurs, personne ne saura rien de mon aventure … à
part Hector … mais à son retour je prendrai mes distances et ses avances pas
très honnêtes n’auront plus aucun effet sur moi, parole de Milady !...
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